Tonton Bédouin raconte
Une coupure de presse, pas récente (!), est tombée récemment sous les yeux toujours curieux de Tonton Bédouin. Extraite d'une gazette britannique, elle date de 1849 ou 1850, la date n'y figure pas et relate un exploit bien oublié d'un de nos lointains concitoyens...
Naufrage en Manche
En avril 1849, un brick anglais, le "Thistle", longe en pleine tempête les côtes normandes. En face de Villers sur mer, le navire fait eau de toutes parts et est drossé à la côte. A "young french gentleman" ainsi que le qualifie le chroniqueur sauve d'une mort certaine l'équipage du brick désemparé. L'exploit du courageux jeune homme, un Ouistrehamais nommé Eugène Girard ne passe pas inaperçu.
Naufrage en Manche gravure de G. Baxter
La communauté britannique est importante dans le Calvados en ce milieu de XIXème siècle. On connait bien entendu l'exil célèbre du dandy déchu Georges Brummel, ses séjours à Luc sur mer chez le comte de Chazot et sa mort à Caen en 1840. Mais il n'est pas le seul puisque le recensement de 1836 dénombre environ 70 familles britanniques résidentes à Caen. Les sujets de Sa gracieuse majesté y sont d'ailleurs représentés par un vice-consul, poste un temps occupé par Brummel. C'est son successeur qui, du fond de son bureau situé au 47 de la rue des Carmes près de l'actuel quai Vendeuvre, proposa à la Royal Humane Society of London de distinguer l'exploit du valeureux Ouistrehamais.
Une médaille d'argent et quatre guinées
La Royal Humane Society a été fondée à Londres en 1774 par deux médecins William Hawes et Thomas Cogan. Son but initial est d'encourager certaines techniques médicales de "résuscitation" afin d'éviter les inhumations de sujets en état de mort apparente. Son activité s'est rapidement étendue à la récompense de personnes en ayant sauvé d'autres de la noyade. Et pas seulement en Angleterre puisque les efforts de rapprochement de la "perfide Albion" avec la France en ces temps où on songe à ce qu'on n'appelle pas encore l'Entente cordiale poussent des institutions comme la Royal Humane Society à faire connaître à l'étranger la grandeur d'âme de l'Old England.
C'est ainsi que notre Eugène Girard se voit attribuer la silver medallion, la médaille d'argent, et une gratification de quatre guinées, environ trois cents livres sterling actuelles. C'est le vice-consul qui est chargé de remettre la distinction au récipiendaire. La cérémonie aura lieu à Ouistreham, Auistreham comme l'écrivaient à l'époque les anglais.
La fameuse médaille. La Royal Humane Society of London est aujourd'hui encore très active est est placée sous la présidence d'honneur de Sa Majesté la reine
En grande pompe
Le village s'est à peine remis d'une nouvelle épidémie de choléra. On a sans doute nettoyé la boue des ruelles, un sujet qui revient régulièrement dans les délibérations du conseil municipal de l'époque. On remarque en tout cas drapeaux et oriflammes; les tambours de la Garde nationale battent pour rassembler les volontaires qui ont revêtu leur uniforme bleu marine, auquel le vent, le soleil et les intempéries ont donné quelques reflets rougeâtres. Le corps municipal est là emmené par le maire Victorien Debled, le curé aussi sans doute, un certain Tanquin. Le héros du jour, Eugène Girard, est décoré devant les douaniers de l'ensemble des postes côtiers en armes et en grand uniforme. La cérémonie est ponctuée par des roulements de tambours accompagnés d'une salve à blanc tirée par les douaniers et les gardes nationaux et un lancer de bouquets.
Douanier en uniforme vers 1850. On peut imaginer que le courageux Eugène était douanier puisque l'ensemble des garnisons côtières avait été rassemblé pour l'occasion.
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