27 mai 2018

Partie civile

La partie civile dans une action pénale désigne une personne, physique ou morale, victime d'une infraction, ayant subit un préjudice. La plainte avec constitution de partie civile permet à la victime de saisir le tribunal compétent afin d'obtenir réparation.

Ce qui s'appelle botter en touche...


Lors de l'audience du Tribunal correctionnel du 15 février dernier où comparut Romain Bail, le Président interrogea le prévenu pour savoir si la commune de Ouistreham s'était portée partie civile. Il lui précisa qu'il ne pouvait le faire en tant que maire puisqu'il était lui-même partie au procès. Le Romain avança alors, bredouilla plutôt, qu'il aurait appartenu au premier maire adjoint par délégation de le faire. L'intéressé, présent dans le prétoire, s'intéressa subitement à l'extrémité de ses chaussures et ne répondit rien. Le Président en conclut donc que la commune ne s'était pas portée partie civile...


Ce n'est pas si simple ! Lorsque le maire est partie à un procès le mettant en cause face à la commune,  il ne peut représenter la commune. Il ne peut pas non plus déléguer cette faculté à un autre élu. C'est  alors au conseil municipal de se prononcer sur l'opportunité d'ester en justice et de désigner un élu (premier adjoint ou pas premier adjoint) chargé de faire le nécessaire. Et bien entendu, notre maire s'était bien gardé de saisir l'assemblée de la question. Imaginez un peu : il aurait fallu chiffrer le préjudice subit, missionner un avocat pour représenter les intérêts de la commune...et se voir au final condamné à indemniser notre belle ville.


Kafkaïen dites vous ?


Eh oui, il a bien eu un préjudice ! La lecture, théâtrale s'il en fut, du faux mail lors de la séance de conseil du 4 septembre, a entraîné un certain nombres d'engagements, de dépenses, de factures. Il faudra bien les chiffrer un jour et ces sommes, irrécupérables aujourd'hui, constituent le préjudice subit par la commune et qu'il faudra récupérer auprès du coupable. Car il y a bien un coupable, le faux ne s'étant pas généré spontanément. Le coupable n'est que provisoire pour le moment, car celui qui a été condamné par la justice à un an d'emprisonnement avec sursis et 5 000 euros d'amende a fait appel. Il abordera donc le nouveau procès dans quelques mois avec la virginité bien précaire de la présomption d'innocence qu'il sied d'accorder à tout prévenu.

Oui on sait, ce n'est plus celui-là mais il est beau quand même!


Partie remise


Voilà une bonne idée de faire appel, ça va permettre au conseil municipal de réparer l'erreur ou l'omission commise lors de la première instance. On attend donc que soit inscrite lors d'une prochaine séance la délibération décidant que la ville se portera partie civile dans cette pénible affaire et désignera l'élu chargé d'instruire ce brûlant dossier. Pas de souci n'est-ce-pas ? Le maire se dit innocent, ses vingt et un comparses (?) dans un chœur touchant le soutiennent aveuglément, aucun risque ! Si vous doutez de la spontanéité d'une inscription à l'ordre du jour d'une séance, comptons sur l'opposition pour la demander. Et si malgré tout ça ne vient pas, ON A LA SOLUTION!


Fin de partie


En effet, dans son infinie sagesse (eh oui parfois!) le législateur a prévu le cas où une collectivité territoriale pourrait négliger la défense de ses intérêts. Le garde fou a été prévu, disons-le, lorsque la collectivité omet d'intenter une action par négligence coupable, à des fins partisanes, lorsque l'intérêt, les intérêts d'un élu sont en jeu. Vous me suivez, ça vous rappelle quelque chose ? Et la présomption d'innocence alors ? Bref, reportons nous à la loi n° 96-142 du 21 février 1996... Elle a créé un article L2132-5 dans le Code général des collectivités territoriales qui dispose : Tout contribuable inscrit au rôle de la commune a le droit d'exercer, tant en demande qu'en défense, à ses frais et risques, avec l'autorisation du tribunal administratif, les actions qu'il croit appartenir à la commune, et que celle-ci, préalablement appelée à en délibérer, a refusé ou négligé d'exercer.

Intéressant, non? A méditer en tout cas...

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