Inscrite au titre des monuments historiques par arrêté du 11/10/1971, au cœur du bourg ancien de Ouistreham, la Grange aux dîmes fait partie d’un bel ensemble de bâtiments ruraux d’origine monastique, restaurés au XX ème siècle.
Une grange monastique
Jusqu’à la Révolution, Ouistreham fut une dépendance ecclésiastique, juridique et fiscale de l’Abbaye aux Dames de Caen dont l’abbesse recevait la dîme (impôt en nature représentant environ le dixième des récoltes, pêches et troupeaux) entreposée dans la grange prévue à cet effet.
Cette grange, dont il est fait mention pour la première fois en 1257 dans un censier commandé par l’abbesse de Caen (« Y avait une grange à dîmes. La dixmes d’Oystreham, Saint-Aubin, du Port et de Colleville appartenaient à l’abbaye »), fut laissée à l’abandon durant la période de la Guerre de Cent ans et probablement reconstruite aux XVe et XVIe à l’aide d’éléments d’origine, pour reprendre sa fonction.
Elle faisait autrefois partie de la Ferme de l’Abbaye ou baronnie, propriété de l’abbesse patronne de Ouistreham. La Grange aux dîmes du XIIIe est probablement venue remplacer un bâtiment existant mais de construction plus modeste. Localisée à environ une vingtaine de mètres au nord de l’église Saint-Samson, la Grange aux dîmes voyait, à cette époque, ses fondations battues par la mer et dominait l’ancienne plage de Ouistreham.
Le bâtiment construit à cette époque n’est qu’une partie de l’ensemble actuel dénommé «Grange aux dîmes". Celui-ci est en effet constitué de deux corps de bâtiments : le premier est la Grange aux dîmes du XIII ème siècle, orientée nord-sud et, le second bâtiment, pratiquement en équerre, venu compléter la Grange, a été édifié au XVIIe.
Son architecture
- L'architecture de cette Grange aux dîmes est similaire à celles construites en Angleterre durant la même période montrant ainsi l'importance et l'influence des échanges anglo-normands à cette époque. En effet l’emplacement des portes charretières sur les murs gouttereaux, et non sur les murs pignons, révèle un modèle de grange monastique de type anglo-normand. Les granges françaises avaient leurs portes sur les murs pignons (ex : grange de l’abbaye d’Ardennes).
Formée d’une seule nef de 260 m2 au sol et maçonnée en moellons de petits calibres hourdés à la terre, elle est munie de contreforts. Les éléments architecturaux permettent d’en situer la construction au XIII ème siècle. Le côté EST comporte neuf contreforts. Six d’entre eux présentent un ressaut en saillie reposant sur des socles moulurés. Ces contreforts ont été construits après coup, très certainement à l’emplacement d’anciens contreforts défaillants. Ces six contreforts remontent très probablement au XIVème ou au XVème siècle. Par contre, les troisième et septième contreforts en partant du Nord ne présentent pas la même forme que les autres. Ils sont beaucoup plus plats et typiques des contreforts romans avec un ressaut. Il s’agit de contreforts du XIII ème, nombreux dans les églises de cette époque. Ils font corps avec la maçonnerie du mur contrairement aux autres.
Son histoire
La Grange aux dîmes resta une grange monastique jusqu’à la Révolution française après quoi elle conserva ses fonctions de grange mais pour un particulier. Lors de la Révolution française, les religieuses de l’Abbaye-aux-Dames furent expulsées et la Grange aux dîmes changea de propriétaire. Elle fut vendue en 1791 avec les terres des alentours et devint une exploitation agricole jusqu’à son rachat par la ville. Donc pendant deux siècles la Grange aux dîmes conserva ses fonctions agricoles. Le bâtiment du XIII ème devint une grange à foin et le second abrita poulailler, étable, grange. Au XIX ème un grand porche en avancée fut construit au niveau de la porte charretière ouest et des travaux furent effectués pour consolider la grange, notamment une partie du pignon fut maçonnée.
L'après guerre 1939-1945 fut propice à une réflexion sur l’organisation urbaine. Dés 1945, le conseil municipal de Ouistreham souhaita développer et réaménager le bourg avec l’objectif d'acquérir la Grange. Plusieurs raisons motivaient ce projet :
- supprimer le danger que peut présenter, pour la sécurité et la salubrité publique, la présence d’une ferme au centre de l’agglomération,
- permettre l’aménagement des abords de l’église et de l’Hôtel de Ville,
- mettre en valeur l'ensemble église et grange.
En 1971, la ville acquiert la ferme de l’abbaye (superficie d’environ 65 hectares). En 1984-1985, les premiers travaux sont entrepris. Ils concernent l’aménagement des abords de la grange et débutent par la démolition des dépendances accolées.Le terrain est aménagé en espace public avec espaces verts et une cour pavée. Au sud-est un petit jardin clos de murs communique avec le chevet de l’église Saint-Samson.
Les travaux d’aménagement des intérieurs, confiés à M. Louis HUGUES, architecte, suivent dans un second temps. Matériaux de qualité, travaillés à l’ancienne sont choisis à l'exemple du carrelage, façonné à la main et cuit au feu de bois par l’entreprise Fauvel de Moon-sur-Elle qui a fourni le carrelage de l’abbatiale et du réfectoire du Mont-saint-Michel ainsi que la salle du Grand Echiquier de Caen. En 1989, la Grange aux dîmes peut accueillir différentes activités socioculturelles. La grande salle, dans la partie classée, est destinée aux réceptions, spectacles et expositions. La partie non classée, composée de deux étages, comporte plusieurs salles pour des activités culturelles. La partie charnière comprend les différents services : cuisine, chaufferie, sanitaires, vestiaires.
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