22 janvier 2016

Le sésame pour le bal de l'empereur

Vous avez reçu le carton d'invitation ? Celui pour les vœux du maire, avec une soirée onéreuse et arrosée animée par un D.J ? Pas nous, mais avouons le, cela nous est égal.




Nous le savons tous, la partition est déjà écrite. Petite musique de chambre où l'on s'auto-félicite des projets réalisés, en cours ou à venir. Tout le beau monde est là, on écoute sagement, on opine du chef ou on regarde ailleurs. Le prince parle bien, il a pris des cours avec un coach à Paris, mis son plus beau costume, il est fier. L'acteur fait semblant d'être bon, on veut y croire. Il y a les supporters indéfectibles, les groupies, ceux qui espèrent obtenir quelque chose et ceux qui l'on déjà obtenu. Les « écharpés » bleu, blanc, rouge des autres communes n'ont pas eu le courage de ne pas venir, d'afficher leur absence. Il y a également les messieurs en uniformes et leur devoir de réserve, ils sont obligés d'être là, ils supportent le show. On boit, on mange, on discute à pas feutrés en évitant les sujets qui fâchent, en évitant les silences pesants. On se force à rire. La presse est là aussi, tout sera net et calibré, lissé. Pas de vague, la mer doit rester calme, on n'aime pas naviguer par gros temps. Le petit homme saoul d'avoir trop bu de son ego souhaite une bonne année, on applaudit.

Ceux qui savent sont vite partis, ils en ont assez entendu, trop vu. On rajuste son uniforme, remet son couvre chef, dehors il fait frais, l'air y est plus respirable, on entend la mer. A la musique soporifique des murmures convenus succède la musique tapageuse du grand bal. Bal de l'ambassadeur, des vampires, du prince ou bal masqué de Venise : au choix. On garde son masque et puis on danse ; danse de saint Guy. On fait semblant de s'amuser, on boit un peu, on est là pour ça. On est entre soi mais quelque chose ne colle pas, les masques sont trop voyants, trop encombrants. Comme sur le Titanic l'orchestre joue pendant que le bateau coule, les premières classes sont déjà dans les canots, leur gilet de sauvetage sur le dos. Les troisièmes à fond de cale, hésitant entre colère et résignation. Rien ne change vraiment.

Carton rouge à tous ces gens qui laissent sombrer le beau navire parce qu’ils n'ont pas eu le courage de dire au capitaine fou que l’iceberg était droit devant. Carton rouge à ceux qui savent et se taisent. Carton rouge a ceux qui laissent l'argent public couler à flot pour la fête pendant que tant de leurs concitoyens ne sont pas à la fête. Au fait, il paraît que nous sommes en guerre... Vraiment, est-ce que ces gens sont sérieux ?