Si la vie reprend à Ouistreham après le choc du 13 novembre et si nous devons continuer à nous défendre, nous n'avons pas, nous les rédacteurs de LPB et d'autres encore, fait notre deuil ! A notre façon, alors que deux semaines après les attentats qui ont touché Paris et Saint-Denis, un hommage national sera rendu ce vendredi, aux Invalides, nous avons choisi de vous inviter à lire ce texte. C'est notre ressenti si bien exprimé par un de nos amis
Par une triste nuit d'automne je descends l'avenue de la Liberté vers la plage. En chemin je traverse la rue de la Victoire, il n'y a personne. La mer est calme, grise et fatiguée. Mes pas me guident vers la fière flamme métallique érigé en l'honneur des 177 commandos français qui sur ces plages, par une matinée de printemps, vinrent apporter la liberté. Je gravis les marches, me recueille un instant le regard perdu vers la lune pâle. Je laisse à la nuit cette flamme victorieuse, descend sur la plage et oriente mes pas et mes pensées vers un autre monument d 'acier.
Il est là plus loin, un peu à l'écart entre deux talus dans la pénombre, ses branches garnies de feuilles rouges et vertes s’élançant vers le ciel. L'arbre de la Liberté. Blottie entre ses racines fermement boulonnées au sol en béton, vacille, dans la bourrasque, une petite flamme. Ils ont été vaincus sans pouvoir combattre, ils ne portaient ni armes ni uniformes, ils affichaient simplement leur bonheur d'être ensemble, hommes, femmes, jeunes ou vieux, de tous pays. Corps brisés par le métal comme ceux qui, 71 ans avant, se sont couchés définitivement sur cette immense plage. Mêmes gestes des mains appuyées sur les plaies béantes pour empêcher le sang, la vie, de quitter les corps, mêmes cris, mêmes souffrances. Ils ont été frappés par la rafale tirée par un barbare glacial et mécanique. Amis attablés, amoureux enlacés, happés par la large faux qui un vendredi 13
au soir a décidé de frapper au hasard. Funeste loterie ou celui qui gagne évite les balles et sauve sa vie.
C'est en veilleur que nous devons continuer pour qu'une flamme aussi fragile ne soit pas soufflée par le vent sombre d'une macabre soirée d'automne. Il fait froid maintenant, nous rentrons par l'avenue de la Résistance, enveloppé par la nuit.